Parentalité positive et bienveillante? Pas vraiment, non...

May 01, 2023

Par Dre Lory Zephyr, psychologue et cofondatrice de Ça va maman

L’autre jour, sur un plateau de tournage nous échangions hors d’onde sur un de mes sujets chouchous : la parentalité! Bon, vous n’êtes probablement pas très surprises en lisant ça. (Le titre probablement un peu plus pour certaines n’est-ce pas?) Je poursuis avec mon anecdote. L’invitée sur le plateau m’a demandé la question suivante:

- Donc tu fais des chroniques sur la parentalité positive?

Je lui ai répondu : Non, même que je n’aime pas vraiment y être associée. 

Les mamans que j’accompagne dans mes suivis individuels ou en thérapie de groupe connaissent ma position sur le sujet et je trouvais important de vous la partager également ici.

Est-ce que je suis contre la parentalité positive et l’éducation bienveillante? Évidemment, la réponse est non. Qui pourrait être contre le fait de prendre en compte le rythme, le développement et les émotions d’un enfant? Qui pourrait être contre le fait d’avoir une approche centrée sur l’accompagnement et l’accueil plutôt que le contrôle ou la domination? Qui pourrait être contre le fait de reconnaître et réfléchir aux besoins des enfants plutôt que se limiter à leurs comportements?

Parce que dans les faits, c’est globalement tout ceci que cette approche propose. La parentalité positive et l’éducation bienveillante ont eu mauvaise presse et mauvaise réputation, comme le glissement avec le laxisme dans la parentalité (associé au fait de ne pas mettre de cadre à l’enfant, le concept des enfants-rois, etc) et le sacrifice de soi semblent souvent utilisés (à tord!) au nom de la bienveillance. 

De plus, ce qui est martelé un peu partout est que les données probantes (la recherche scientifique) confirment que cette approche est un peu l’équivalent du St-Graal. 

Mais pourquoi alors je ne veux pas être associé aux mots "parentalité positive et bienveillante" ?

Je l’ai dit à quelques reprises dans notre épisode de podcast "Le courant de la bienveillance est-il si bienveillant", mais la bienveillance, ce n’est pas une formulation de phrases et ce n’est pas non plus une suite de comportements appris. La bienveillance se porte d’abord. C’est la relation en soit qui fait transparaître la bienveillance et non ce que l’on voit de nos comportements. En d’autres mots, se centrer sur le «être » plutôt que le «faire». Dans le deuxième cas, ça pousse plutôt à la parentalité de performance.

Ce que ça veut aussi dire, c’est qu’il y a eut des milliards de parents suffisamment bienveillants avant notre génération (oui oui, même s’ils n’avaient pas de connaissances poussées en neurosciences affectives). Instinctivement, ils ont fait ce qu’il fallait avec leurs enfants. Ce qui est présenté de la parentalité positive et de l’éducation bienveillante donne parfois l’impression à certains parents : «Oui, suis ton instinct…oh non, mais pas de cette façon-là».

Ça veut aussi dire que la société occidentale n’a pas le monopole de la bienveillance ou de la parentalité réussie. De nombreuses communautés ne se réfèrent pas autant aux avis d’experts, ne suivent pas de formations, et n’apprennent pas en détails tout ce qu’ils devraient dire ou faire pour être un «bon» parent. Pourtant, ils permettent tout autant à leur enfant de développer un attachement sécurisant.

Ça veut aussi dire que oui ça a existé des parents bienveillants et aimants, qui n’ont jamais dit «Je t’aime» à leur enfant. Tout un contraste avec l’image du « bon » parent qui le répète sans cesse, non? Est-ce que c’est mal de le dire? Bien sûr que non! Cet exemple sert à vous montrer que la bienveillance, la chaleur et l’amour n’a pas de forme précise! 

Un autre aspect qui me chicote des mots "bienveillant" et "positif" est: comment comprendre ce qui ne correspond pas aux éléments précis de ce qui est présenté comme faisant partie de la parentalité positive et l’éducation bienveillante? On dira que c’est de l’éducation traditionnelle, mais qu'est-ce que c'est réellement? Et celle-ci est-elle encore acceptée? Jugée? Moins bonne? On présume qu'elle laissera des séquelles négatives sur l’enfant? Est-ce que l’éducation dite traditionnelle est maintenant associée à la malveillance, à la négligence émotionnelle et affective? Les mots «parentalité positive » et «éducation bienveillante » ont tellement été propulsés au premier plan, que tout ce qui en sort semble mis de côté, effacé, repoussé, voir dénigré. 

Résultat? Ma pratique clinique me suggère que ça semble créer des clans dans la parentalité (alors que nous avons tant besoin de se connecter entre parents!) et aussi que ça ajoute une pression sur les parents.

Pression d’être le meilleur parent.

Pression de donner toujours le meilleur à son enfant.

Pression de toujours savoir comment répondre aux besoins des enfants. 

Pression de faire vivre que des expériences positives aux enfants.

Pression de s'assurer que les enfants ne gardent que des souvenirs positifs de leur vie.

Pression de trouver la conséquence logique, tout le temps.

Pression de vivre continuellement ses émotions de façon stable et en parfait contrôle.

Pression de ne pas commettre d’erreur.

Et c’est une roue qui tourne, parce que cette pression devient de plus en plus insoutenable comme le parent réalise qu’il a des failles, des défis, qu’il fait des erreurs, qu’il vit des échecs, bref qu'il est humain. Ce même parent pourrait croire ensuite que c’est dévastateur pour son enfant, se blâmer, désespérer et croire que c’est lui le problème… Et si c’était plutôt que ce sont toutes ces «recommandations» qui sont ni utiles, ni réalistes, ni même souhaitables. 

Par ailleurs, petite parenthèse ici: les programmes de parentalité positive (mesurés dans les études) ne visent pas les parents qui sont déjà suffisamment bons ;-)! Deuxième parenthèse, la recherche ne montre pas de phrases ou d'actions précises pour décrire la parentalité positive. Le concept théorique est même trop peu spécifique (Prime et al., 2023*). C’est plutôt différents intervenants (professionnels ou non) qui semblent avoir suggéré le «comment»  (ce que vous voyez sur vos réseaux sociaux), mais cette interprétation elle-même n’est pas pour autant validée! Quel paradoxe, parce que ça peut sembler rassurant initialement de savoir comme parent quoi dire ou quoi faire… mais c’est justement cette façon déconnectée de qui vous êtes qui peut contribuer à un sentiment d’être dépassée, épuisée, frustrée, et vivre la parentalité de façon plus lourde.

S’inspirer d’un courant de parentalité est une chose, le suivre comme étant un dogme en est un autre.

La bienveillance se porte d’abord 

Le Larousse décrit la bienveillance comme étant :

"Disposition d'esprit inclinant à la compréhension, à l'indulgence envers autrui"

Donner une «forme», une procédure, une intellectualisation à cette bienveillance en suggérant au parent ce qu’il doit dire ou faire semble plutôt contribuer à des déséquilibres, des frustrations, de la culpabilité, un sentiment d’échec, et surtout se traduit parfois par un manque d’authenticité du parent. Par exemple, une maman sur notre communauté nous a écrit un jour:

"J’ai entendu une autre maman dire exactement les mêmes mots que j’essaie de formuler moi-même, parce que je l’ai lu sur les réseaux sociaux, et je me suis dit: Quel genre d’enfants élevons-nous si on agit avec eux comme si on était des robots." 

Les générations précédentes étaient certes moins éduquées sur le développement de l’enfant et moins informées sur la sphère affective et psychologique du développement, mais ils étaient certainement plus authentiques comparativement à l'image projetée de ce qu'est l’éducation bienveillante et la parentalité positive. Et vous savez quoi, la majorité d’entre eux ont tout de même offert un cadre suffisamment sécurisant, bienveillant et bénéfique pour leurs enfants. Pas parfait, mais qui laisse tout de même des bases pour permettre à l’enfant de développer une santé physique, psychologique, émotionnelle et sociale, et un sentiment de sécurité pour évoluer dans sa propre vie d’adulte.

Chers parents qui faites de votre mieux à tous les jours, qui avez à cœur le développement de vos enfants, qui êtes dévoués auprès d’eux, qui êtes sensibles à leurs besoins, qui les acceptez comme ils sont, qui offrez du réconfort, qui sont engagés et dévoués pour les élever, qui vous intéressez à eux, qui offrez un cadre bien établi et assumé tout en étant chaleureux, qui prenez le temps de vous adapter à eux, qui avez le souci de leur faire développer graduellement leur autonomie, qui veillez à ce qu’ils se sentent aimés, importants et en sécurité, et tout ça la majorité du temps (oui oui, vous n’avez pas besoin d’être parfaits et vous avez le droit de faire des erreurs!), je souhaite vous rappeler aujourd’hui que peu importe si vous avez une approche qui vous guide ou non, si vous avez répondu «oui» à cette énumération, alors enlevez-vous une couche de pression. Vous avez ce qu’il faut!  Faites-vous confiance, même si parfois vous doutez de vous! Permettez-vous d’être. Tout simplement. C'est à ça que je m'identifie comme professionnelle, peu importe le terme que vous utilisez pour le décrire. Laissons les étiquettes parentales de côté pour se concentrer plutôt sur l’essence de la relation, l’authenticité, et l’équilibre. Vouloir être associée au mot «positif» à tout prix au détriment du mot «authentique» peut laisser trop peu de place à l’humain que vous êtes. 

Et si vous n’avez pas répondu oui à une ou ces questions, plutôt que de vous blâmer ou vous dévaloriser, je vous invite à vous demander aujourd’hui de quoi vous avez besoin pour (re)trouver un équilibre dans votre vie. Il y a de la place pour la réparation dans la relation parent-enfant….et ça commence d’abord par se regarder, s’aider, s’entourer et prendre soin de soi.

 Dre Lory Zephyr, Ph.D., psychologue  

 

Je suis une psychologue spécialisée en santé mentale maternelle, attachement parent enfant et périnatalité.

Je pratique présentement en clinique privée et j’ai pu observer au fil des années comment les mères se sentaient trop souvent seules avec leurs difficultés. C’est pour cette raison que j’ai décidé de vulgariser la santé mentale maternelle. J’ai, entre autres, écrit les livres Maman en Construction (Éditions de l’Homme, 2018) et Ça va, maman? (Éditions de l’Homme, 2021). En plus d’offrir des conférences sur mes domaines d’expertise et de former des intervenants, je suis régulièrement invitée à me prononcer sur différents aspects de la vie des mamans et des familles dans les médias. Je travaille aussi étroitement avec le laboratoire d’études sur le développement de l’enfant et sa famille (Chaire de recherche du Canada sur l’attachement et le développement de l’enfant), particulièrement pour la communication avec le public.

En rencontrant Jessika, j’ai trouvé une âme-sœur qui avait le même désir d’enfin faire une place aux mères, leurs expériences et le soutien dont elles ont besoin. Avec Ça va maman nous pouvons les rejoindre directement et les accompagner dans tout ce que la maternité peut leur faire vivre.

Psst….je suis aussi une maman ;) !

 

*Prime, H., Andrews, K., Markwell, A. et al. (2023). Positive Parenting and Early Childhood Cognition: A Systematic Review and Meta-Analysis of Randomized Controlled Trials. Clin Child Fam Psychol Rev.

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